Archives du : 29 juillet 2008

Loup — Alexandre Vialatte

IL n’y aurait plus de loup. On a été bien ennuyé. D’autant plus que dans le dic­tion­naire on en trouve encore de très beaux. Il assure que le loup fran­çais naît le plus sou­vent à Angou­lême. On ne sait pas où il vote, où il achète son pain, mais on sait qu’il vient d’Angoulême. Ce qui fait voir qu’il est bien fran­çais.
Sans le loup pas de froid de loup, sans froid de loup pas d’hiver. Pri­vée du loup, la petite exploi­ta­tion rurale, réduite à quelques musa­raignes dans un pay­sage désolé, serait sans aven­ture et sans vrai pit­to­resque. Les conteurs l’ont si bien com­pris qu’ils font du loup, par pure recon­nais­sance, un loup mytho­logique, une espèce de sur-loup qui fait peur au-dessus de ses moyens. Le loup en a d’ailleurs beau­coup, il est très exci­tant, il est cou­vert de grands poils dont on fait des des­centes de lit ; tout rêche, hir­sute, et mau­vais comme la gale ; avec une grande mâchoire longue comme un jour sans pain, qui lui per­met de mâcher des gens de dia­mètre consi­dé­rable, des char­cu­tiers dans la force de l’âge, des poètes enri­chis, des escrocs res­pec­tés, des ven­deuses de grands maga­sins.
On ne parle pas assez du loup. Rien n’est plus pas­sion­nant que le loup. Le loup est par­fai­te­ment hir­sute. Le loup est impor­tant. La zoo­lo­gie le réclame, l’hiver le veut, le fris­son le sup­pose. C’est une des grandes néces­si­tés de l’histoire, du folk­lore et de l’esprit humain. Un loup man­geant métho­di­que­ment un sous-préfet en uni­forme, ou ava­lant à la sau­vette un petit fonc­tion­naire rural, dans un site net­te­ment boca­ger, coupé de ruis­seaux et d’ombrages, est une des choses les plus déco­ra­tives qu’un gra­veur puisse ima­gi­ner. Sur­tout quand il les mange en large.
Telle est la vie ardente du loup. Du moins dans la lit­té­ra­ture.
Le loup des légendes repré­sente une réac­tion inévi­table du bon sens, une exi­gence du pay­sage, un pos­tu­lat de la sen­si­bi­lité. Le loup peut très bien se pas­ser des hommes, l’homme ne peut pas se pas­ser du loup. Où serait le plaisir ?

Anniversaires du 29 juillet

La honte.
En 1789, l’Assemblé Natio­nale se donne un nou­veau règle­ment : «on est prié de s’abstenir de péter losqu’un citoyen parle à la tri­bune». C’est pas tous les jours facile une Révolution.

Indé­cis.
Tan­dis que le mois d’août se rap­proche dan­geu­reu­se­ment, le 29 juillet 1830 qui marque la fin des Trois Glo­rieuses marque aussi le début de l’hésitation entre monar­chie et répu­blique. Il faut dire que l’anniversaire du pre­mier règle­ment de l’Assemblée Natio­nale (voir ci-dessus) ne joue pas en faveur du camp républicain.

Au Nord rien de nou­veau.
Le 29 juillet 1831 en Bel­gique il ne se passe rien. C’est aussi ce que se dit Léo­pold Ier rois des Belges, en se réveillant en mileu d’après-midi dans ses écu­ries. Se déga­geant des bras de son pal­fre­nier, il se lève et déclare :«Enfin une jour­née tran­quille, ça s’arrose !».