Que jamais l’art abstrait, qui sévit maintenant,
N’enlève à vos attraits ce volume étonnant.
Au temps où les faux culs sont la majorité,
Gloire à celui qui dit toute la vérité!
Votre dos perd son nom avec si bonne grâce,
Qu’on ne peut s’empêcher de lui donner raison.
Que ne suis-je, madame, un poète de race,
Pour dire à sa louange un immortel blason.
En le voyant passer, j’en eus la chair de poule,
Enfin, je vins au monde et, depuis, je lui voue
Un culte véritable et, quand je perds aux boules,
En embrassant Fanny, je ne pense qu’à vous.
Pour obtenir, madame, un galbe de cet ordre,
Vous devez torturer les gens de votre entoure,
Donner aux couturiers bien du fil à retordre,
Et vous devez crever votre dame d’atour.
C’est le duc de Bordeaux qui s’en va, tête basse,
Car il ressemble au mien comme deux gouttes d’eau,
S’il ressemblait au vôtre on dirait, quand il passe:
«C’est un joli garçon que le duc de Bordeaux!»
Ne faites aucun cas des jaloux qui professent
Que vous avez placé votre orgueil un peu bas,
Que vous présumez trop, en somme de vos fesses,
Et surtout, par faveur, ne vous asseyez pas!
Laissez-les raconter qu’en sortant de calèche
La brise a fait voler votre robe et qu’on vit,
Écrite dans un coeur transpercé d’une flèche,
Cette expression triviale: «A Julot pour la vie.»
Laissez-les dire encore qu’à la cour d’Angleterre,
Faisant la révérence aux souverains anglois,
Vous êtes, patatras! tombée assise à terre:
La loi de la pesanteur est dure, mais c’est la loi.
Nul ne peut aujourd’hui trépasser sans voir Naples,
A l’assaut des chefs-d’oeuvre ils veulent tous courir!
Mes ambitions à moi sont bien plus raisonnables:
Voir votre académie, madame, et puis mourir.
Que jamais l’art abstrait, qui sévit maintenant,
N’enlève à vos attraits ce volume étonnant.
Au temps où les faux culs sont la majorité,
Gloire à celui qui dit toute la vérité!
Georges Brassens