Archives du : 3 juin 2009

Nécessité du loup

Le jour tombe vite, les nuits sont longues, la bise gla­cée, les étoiles brillent d’un vif éclat, c’est la sai­son des loups et des prix lit­té­raires ; les prix lit­té­raires sont don­nés, les lau­riers sont cou­pés, nous n’irons plus au bois ; les loups d’ailleurs n’y vont plus guère. Les loups sont de moins en moins recher­chés. Notre civi­li­sa­tion n’en consomme que très peu. Deve­nue urbaine, elle dégé­nère et s’affadit. La lit­té­ra­ture d’autrefois, la chan­son, le conte uti­li­saient une grande quan­tité de loups, bien noirs, bien méchants, bien voraces. On les a tués.

Mais ils se vengent. Le loup est un besoin essen­tiel, le loup fut un ali­ment com­plet, il ne peut mou­rir entiè­re­ment. Il faut des loups, il faut du fris­son noir. Sans le loup, on s’ennuierait de la vie.. Il faut qu’une ombre sur le mur allonge un museau qui fasse peur… Chas­sez le loup par la porte, il revient par la fenêtre et se cache der­rière les rideaux. Si ce n’est pas le loup, ce sera Rocam­bole, Chéri-Bibi ou Fan­tô­mas. En un mot, c’est le ban­dit mas­qué. Il va dévo­rer la petite fille, et c’est ça qui est inté­res­sant. On enten­dra les os qui craquent, il ne res­tera qu’une natte blonde avec un noeud de ruban, comme un papillon bleu sur un plan­cher passé à l’encaustique. Quelle attrac­tion, un dimanche ennuyeux, quand le ciel est gris et qu’on ne sait que faire…

On voit par là que le loup ne meurt pas sans avoir pris ses précautions .

Alexandre Via­latte



Ce texte pro­vient d’une émis­sion de radio et dont la trans­crip­tion fut soi­gneu­se­ment effec­tuée par Char­lie B. qui l’avait posté sur son blog http://db38.spaces.live.com/blog/cns!4FD7949DA7B9D9B9!4387.entry et que je me suis per­mis de pom­per comme un sou­dard. Sim­ple­ment parce qu’il a pu ren­con­trer Des­proges et moi pas.