Ces lettres ont été lues par Pierre Desproges le 4 novembre 1982
J’ai justement sous les yeux le texte inédit de la lettre boulversante et tout à fait confidentielle dans laquelle Alfred de Musset décrit à Frédéric Chopin les premiers instants de son idylle farouche avec George Sand :
Paris, ce 14 mars 1831.
A.M./P. [A.M. = Alfred de Musset. P. désigne évidemment l’initiale de Patricia, la secrétaire de Musset]Objet : de convoitise
Destinataire : Frédéric Chopin, 17 impasse Jaruzelki, VarsovieMonsieur,
Suite à notre entretien du 11 courant, j’ai l’honneur de vous faire connaître par la présente l’émoi où mon coeur est plongé. Cependant la nature et l’objet des rapports qui nous lient vous et moi dans l’affaire Sand ne m’autorisent pas plus que d’obligation de réserve à laquelle nous sommes tenus d’envisager dès aujourd’hui de révéler au grand jour les éventuels développement blennorragiques de cette affaire.
Veuillez agréer, monsieur, l’assurance de mes sentiments romantiques. Tu as le bonjour d’Alfred.
Plus bouleversante encore est la réponse de Chopin à Musset, en date du 31 mars, dans laquelle le compositeur raconte à son ami son entrevue sentimentale avec la même George Sand :
E.C./P. [P désigne l’initiale de Patricia, Musset et Chopin partageaient aussi leur secrétaire]
Cher Mumu,
Pom, Pom, Pom, Pom. Dieu soit béni. J’ai tenu Aurore dans mes bras. [Aurore Dupin, bien entendu, Aurore étant le prénom à l’état civil de George Sand. Moi-même, que je vis avec un nègre, je me fais appeler Ingrid, ça l’excite.]
Ma joie est grande, cher Alfred. Imagine la scène. Il est près de minuit. Aurore est penchée à la fenêtre sombre où l’intensité de la nuit nous serre le coeur. Son cou adorable me renvoie la lueur de la chandelle que je porte vers elle. Elle se tourne enfin. Je lui fait pouët-pouët, elle me fait pouët-pouët, psi ça y est.