Il y avait malgré tout de beaux saints
Á l’instar de Saint-Antoine de Padoue, on a attribué beaucoup de miracles à Saint-Benoît. Mais là s’arrête la comparaison car ce dernier eut au cours de sa vie un comportement en tout point opposée au Saint portugais dont nous avons déjà relaté la perfidie. Autrement dit : ces deux saints ne font pas la paire. Première différence avec Saint-Anoine : Benoît est sont vrai nom. De plus, s’il fut en son temps célébré pour ses miracles, c’était bien malgré lui comme nous allons le montrer. L’obsession véritable de Benoît de Nursie, né à Nursie était la rédaction de la Règle de Saint-Benoît. C’est d’ailleurs une constante que l’on retrouve chez pas mal de Benoît, toutes les occasions sont bonnes pour créer des règles. Benoît de Montargis en est un exemple parmi d’autres. Et Joseph Ratzinger n’a-t-il pas choisi le nom de Benoît justement dans l’espoir d’introduire de nouvelles règles chez les catholiques ?[1] Et que dire de la Vénérable Benoîte Rencurel qui était déjà réglée à l’âge de 8 ans ?
Un destin tout tracé
Le petit Benoît est né aux environs de 480 à Nursie, d’où son nom Benoît de Nursie, d’une famille de grands bourgeois, de Nursie aussi. On ne sait ni quel jour ni à quelle heure, mais on sait qu’il est né presque en même temps que sa soeur jumelle Scholastique. Ses parent étant progressistes pour l’époque, ils l’envoient à Rome, recevoir une éducation libérale, voyant le désordre régnant dans la cité, il abandonne ses études et rejoint le mouvement des Chrétiens, le seul mouvement ouvertement anti-libéral de l’époque.
Benoît fait son trou
Contrairement à Saint-Antoine et d’autres saints, Benoît ne recherchait pas la gloire mais juste la tranquillité. C’est ainsi qu’il partit se réfugier à Enfide, un petit village perdu dans les montagnes non loin de Rome, avec sa nourrice qu’il continuait de téter à 30 ans. C’est à ce moment que se produit son premier miracle. La nourrice brisa le tamis de blé en porcelaine et Benoît prenant l’objet en main pour constater les dégâts, le tamis se répara tout seul. La nourrice se mit à crier au miracle, ignorant les protestations de Benoît lui incitant à parler plus bas, pressentant les problèmes à venir. En effet, la nouvelle se répandit et dès la semaine suivante les habitants du village lui apportèrent moult objets à réparer: tasses, jambes, service à vaisselle. Fuyant cette notoriété soudaine, il décida de se réfugier dans une grotte à quelques kilomètres de Enfide.
À peine arrivé dans la grotte, il s’écria Bénie soit cette grotte
, sanctifiant sans le vouloir l’endroit. Mais il pouvait enfin méditer en toute tranquillité. Cependant l’absence de nourrice, dont les seins lui offrait une agréable récréation lorsqu’il s’interrompait dans ses réflexions mit sa vertu à rude épreuve. En effet, la vision d’une jeune domestique romaine qu’il avait connu lors de ses études vient couramment le hanter durant son sommeil. Une nuit, alors qu’il la voit en rêve la poitrine dénudée qui est en fait celle de sa nourrice, qui est aussi bonne comme la Romaine, il fut pris d’un violent désir. N’y tenant plus, il se soulagea en se déchirant le corps avec des ronces et des cailloux, n’ayant jamais eu l’occasion d’apprendre les bases élémentaires de la masturbation. La douleur eut finalement raison de son désir et le souvenir de celle-ci lui permit de résister à la tentation la plupart des fois par simple réflexe pavlovien.
Maurus sauvé des eaux
Un jour alors qu’il sortait de son trou et que la foule habituelle était là, à espérer le moindre miracle, un groupe de moines s’avança et ceux-ci lui demandèrent de venir les diriger. Benoît accepta en disant : Tout pourvu qu’on me libère de cette foule d’enragés
mais à condition qu’on n’attende pas de miracles de sa part. Il prend toutes les précautions afin qu’aucun prodige ne puisse être accompli, même à son insu. Il se tint donc éloigné de la cuisine, se cachait dès qu’il entendait quelque chose se briser, évitait la proximité des malades, etc. Les moines furent un peu déçus et avec le temps l’admiration qu’ils vouaient à Saint-Benoît faiblit, ainsi que la discipline que ce dernier tentait de leur imposer. Certains comptaient sur l’intervention du Saint pour les soulager de leur tâches quotidiennes et ainsi pouvoir profiter de temps en temps une bonne bière, s’entendaient répondre la même chose : « Désolé mais y’a pas de miracles. ». Les moines alors mécontents tentèrent de se débarrasser de lui en versant du poison dans une jarre de vin, Benoît se saisissant de la jarre pour se verser à boire la fit tomber et elle se brisa en mille morceaux. Ne le voyant pas se réparer toute seule, il poussa un soupir de soulagement, mais les comploteurs tombèrent à genoux et crièrent au miracle tandis que Benoît se retira d’un air déconfit. Dégouté, il décida de partir.
De nouveau sur les routes, Saint-Benoît rencontra deux fervents admirateurs ne réclamant pas de miracles, mais voulant simplement suivre les enseignements du saint avec dévotion. Il accepta bon gré mal gré et s’adjoint la compagnie de ces deux acolytes, Maurus (à ne pas confondre avec Marius) et Placidius. Lors d’une promenade, Maurus décida d’aller se baigner dans un lac mais pris d’un crampe, il commença alors à agiter frénétiquement les bras. Placidius dit alors à Benoît : Regardez, frère Benoît, la piété de frère Maurus, qui fait sa prière et tente de prendre la position du Christ sur la croix alors qu’il nage.
. Benoît se mit alors à hurler : Mais bougre de connard, tu ne vois pas que cet imbécile est en train de se noyer. Mais va le chercher Nom de D..
Et voilà que Placidius en allant secourir son ami se met à courir sur l’eau. Sur la rive ils s’agenouillent tous les deux devant un Saint-Benoît faisant non fébrilement de la tête et hurlant : Mais j’ai rien fait moi ! C’est l’autre imbécile qui a marché sur l’eau !
Des miracles en rafale
Un jour, qu’il se promenait dans le village, un père en pleurs l’appela pour prier pour l’âme de son petit bébé décédé la veille. Benoît, entra seul dans la chambre et à peine, entra-t-il dans la pièce que le nourrisson ouvrit les yeux. De rage , Benoît prit un coussin et tenta d’étouffer le jeune ressuscité. En vain. Rouge de colère, il tenta de faire éclater le crâne du bambin au moyen de sa canne qui résista par on ne sait quel miracle. Le bébé désormais bien réveillé, fait ce que fait n’importe quel nourrisson dans ces circonstances : il se met à pleurer, provoquant ainsi l’irruption de ses parents qui tombèrent immédiatement à genoux devant Benoît agitant frénétiquement son index tout en disant, Non, non j’ai rien fait je vous jure sur le tête du petit Jésus
.
C’est donc bien malgré lui qu’il éveilla la jalousie de l’Abbé Florentius jaloux de sa popularité. L’abbé essaya par tous les moyens de nuire à Benoît. Il lui envoya d’abord du pain empoisonné. Le pain déposé sur le seuil de la grotte, est picoré par des oiseaux qui forment alors un tapis de plumes en décomposition provoquant l’admiration de la foule mais la tenant cependant éloigné un temps à cause de l’odeur. Il envoya ensuite de jeunes femmes danser devant le Saint en prenant des postures provocantes afin d’éprouver sa vertu. Devant le spectacle, il fut pris d’un désir violent et alla se jeter comme à son habitude dans les ronces et les cailloux. Voyant le moine revenir couverts de s’épines et de sang, les jeunes danseuses s’enfuirent dégoutées.
La règle
Espérant malgré tout un peu de calme, il tenta de nouveau de s’exiler et se pose au Mont-Cassin, toujours suivi malgré tout par une bande de disciples qui ne le lâchaient plus. Il décida de s’y faire construire un monastère. Avec une tour rien qu’à lui, histoire de pouvoir s’isoler et de profiter de cette solitude à laquelle il aspire tant. Ses disciples l’appelaient la Tour des Miracles, mais jamais devant le Saint qui perdait un peu les pédales dès qu’il entendait prononcer le mot. Il put enfin se consacrer à la tâche qu’il considèra comme sa plus grande œuvre : la rédaction de la Règle de Saint-Benoît.
Cette règle censée régir la vie du monastère, avait en fait pour but de préserver coûte que coûte la tranquilité de Saint-Benoît.
La fin
Arrivant vers la fin de sa vie, Benoît savoura enfin cette tranquillité qu’il avait recherché toute sa vie, il observa un mutisme strict pendant cinq années. Mais après des années de solitude, n’importe qui apprécie une simple conversation, même des plus banales. Alors qu’il sortait de sa retraite, pendant la laquelle il avait peaufineé la Règle en y ajoutant la liste des 145 châtiments corporels promis à quiconque oserait troubler la tranquillité du moine, il vit passer une colombe dans le ciel et dit Regardez la belle colombe qui passe[2]
. Le moine qui l’accompagnait se mit à genoux en hurlant que Benoît vient de voir l’âme de Scholastique, sa soeur jumelle partie quelques jours auparavant s’envoler sous la forme d’une colombe, ignorant les dénégations de Benoît : Mais, bordel de Dieu ! J’ai juste dit que j’ai vu une colombe !
Ce dernier épisode eut raison de la raison et des forces de Saint-Benoît qui s’éteindra quelques jours plus tard.
Notes :
[1] J’ai bien dit chez les catholiques pas dans les catholiques. Ne vous laissez pas entrainer sur un terrain rendu particulièrement mouvant par l’actualité.
[2] Les Boeing étant plutôt rare à l’époque, on s’extasiait sur des choses simple. Nul doute qu’à notre époque Benoît se serait écrié : Regardez le beau 747 qui passe
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