Alphonse — Linday Lemay

 

J’m’appelle Alphonse c’est pas d’ma faute
C’est mes parents qui m’ont fait l’coup
Ca aurait pu tom­ber sur un autre
On était neuf gar­çons chez nous
Je sais qu’ça fait plu­sieurs pré­noms
Et que ça fait plu­sieurs bap­têmes
On peut man­quer d’inspiration
Mais y a des limites quand même
J’sais pas à quoi ils ont pensé
Ils d’vaient être pom­pettes ou quèqu’chose
J’devais pas être beau quand j’suis né
J’devais être drôle, je sup­pose
Oh pas d’danger que le beau Phil
Hérite d’un pré­nom comme le mien
Phi­lippe pour abor­der les filles
Il faut avouer que ça sonne bien
Moi, même posée par la plus belle
La ques­tion res­tait sans réponse
«Salut toi, com­ment tu t’appelles ?«
Vaut mieux cre­ver que d’dire «Alphonse«
Mais vous savez chan­ger d’prénom
C’plus com­pli­qué que d’changer d’sexe
Qu’y soit trop court, qu’y soit trop long
Faut s’résigner à vivre avec

J’me serais bien contenté d’Stéphane
Nor­mand, Eric ou même Denis
Alphonse ça peut pas chauf­fer d’van
Ca fait pas d’vague dans une bras­se­rie
Et puis ça s’lance pas en affaire
Ca s’fait man­ger la laine sur l’dos
Même si papa était pros­père
Alphonse y repart à zéro
Y m’semble que si j’m’appelais Sté­phane
Ben j’serais peut-être pas aussi pauvre
J’aurais pas une face à sou­tane
Pis j’s’rais peut-être pas aussi chauve
Frère Alphonse, ça c’est beau
Le monas­tère m’ouvrait les bras
Si j’étais pas si hétéro
Je serais sans doute rendu là

J’ai d’la ran­cune au fond du cœur
S’appeler Alphonse, ça rend méchant
J’ai jamais mis une cenne de fleurs
Sur le tom­beau de mes parents
J’m’appelle Alphonse, c’est mon pré­nom
C’est mon pro­blème, faut que j’m’adapte
Mais je vous jure qu’une vie c’est long
Affu­blé d’un tel han­di­cap
Je n’ai pas eu de fils encore
Mais s’il faut que Dieu m’en donne un
Je l’appellerai Alphonse junior
Juste pour me ven­ger sur quelqu’un